J’entends souvent dire que le programme du Front de Gauche, tel qu’il fut
développé dans « L’Humain d’Abord » est inapplicable dans le cadre de l’UE du
Traité de Lisbonne ; et comme le FdG ne propose pas la sortie de l’UE, c’est au
choix la preuve de son incohérence ou la preuve de sa duplicité.
C’est faire mine d’ignorer que le programme « L’Humain d’Abord » parle de «
s’affranchir du traîté de Lisbonne » et parle d’une « désobéissance (qui) fera
tâche d’huile ». Comment, si cela n’était pas détaillé dans le programme «
L’Humain d’Abord » par manque de place, cela est détaillé dans l’ouvrage «
Nous, on peut », de Jacques Généreux.
Bien sûr, une réforme de l’UE ne se fera pas par une négociation de salon
entre dirigeants européens. Les pouvoirs des lobbys, les enjeux pour la sphère
financière et industrielle sont trop important pour que les gouvernants qui les
servent ne cèdent un pouce de terrain autrement que sous la contrainte.
Mais si un Etat était prêt à s’engager sans réserve dans la défense des
intérêts de ses concitoyens, quitte à agir de manière unilatérale, il dispose
en réalité d’importants leviers d’actions. Leviers qui pourraient ébranler l’UE
et même forcer les autres pays à négocier un nouveau traité, sous la contrainte
du double rapport de force d’un Etat qui ne s’en laisse pas faire et de leurs
propres populations qui réclament la même chose pour elles mêmes. C’est ce que
Jacques Généreux appelle « l’action subversive » à l’intérieur de l’UE.
Le compromis du Luxembourg, obtenu en 1966 par le Général de Gaulle – là
aussi par une épreuve de force - stipule que lorsqu’un « intérêt vital » d’un
pays est en jeu, il doit faire l’objet d’un compromis qui fasse l’unanimité, ce
qui équivaut à un droit de véto officieux mais réel.
Ce compromis du Luxembourg peut permettre à un gouvernement d’invoquer
légalement une clause d’exception à toute disposition du Traité de Lisbonne,
dès lors qu’il estime que l’« intérêt vital » de son pays est en jeu. Le
respect de la volonté du peuple, exprimée solennellement par un référendum
serait bien évidemment un « intérêt vital » d’un pays.
A titre d’exemple, au pouvoir, le Front de Gauche appellerait (entre autre)
à un référendum sur l’ouverture à la concurrence des services publics. En cas
de victoire, en application du compromis du Luxembourg, le gouvernement FdG
mettrait unilatéralement en œuvre une clause d’exception au Traité de Lisbonne
concernant l’ouverture à la concurrence des services publics : Eau,
Ferroviaire, Gaz, Electricité, Poste … Cette clause est légale et l’UE ne
pourrait s’y opposer, même si cela ferait grincer des dents.
En usant ainsi systématiquement de son droit de véto, un Etat motivé
pourrait rapidement complètement bloquer la machine européenne, tout en
répondant aux aspirations de son peuple. Et il n’existe guère de moyens de
rétorsions de l’UE, d’autant qu’il n’existe aucun mécanisme d’exclusion d’un
membre de l’UE contre sa volonté.
Le pouvoir de création monétaire des banques privées. La BCE est
indépendante, et ne peut de part ses statuts prêter directement aux Etats ou
racheter directement leurs dettes (même si elle y a fait une entorse en la
rachetant indirectement aux banques privées). Elle limite également très
sérieusement sa création monétaire au nom de sa mission de lutte contre l’inflation
et se refuse à toute dévaluation. Mais la BCE peut également être
partiellement contournée.
L’essentiel de la création monétaire est aujourd’hui l’œuvre des banques
privées : une banque peut prêter plus qu’elle ne possède, l’excédent est tout
simplement de la création monétaire. Une banque doit posséder environs 8%
(accord de Bale II) de fonds propres, y compris les prêts de la BCE ou d’autres
Banques. Une Banque qui emprunte 1 € à la BCE peut en créer un peu plus de 10€
par la même occasion en les prêtant à un état, une collectivité locale, une
entreprise.
Au pouvoir, le Front de Gauche doterait la Banque Publique d’Investissement
(Banque totalement contrôlée par l’Etat) d’une licence bancaire puis lui
donnerait mandat d’acheter directement la dette publique française à l’état
Français à taux préférentiel. A titre indicatif, le taux Euribor de la BCE sur
12 mois est actuellement autour de 0.51%. Imaginons que la BPI emprunte 1€ à
0,51% à la BCE, elle pourrait prête la France 10 € à 0.6%. On serait très,
très loin des taux actuels des marchés financiers tout en maintenant un minimum
de marge nécessaire au frais de fonctionnement de la BPI. Un tel mécanisme
mettrait très rapidement un terme à toute pression des marchés sur la dette
française !
Cette BPI pourrait également financer les entreprises privées avec un crédit
sélectif, d’autant plus favorable aux entreprises que leur demande de
financement est socialement utile (création d’emploi, investissement dans
l’outil productif …)
Là encore, le mécanisme est totalement légal. Bien sûr, l’UE pourrait
attaquer la BPI pour « concurrence déloyale » vis-à-vis des banques privées.
Sauf que, en application du compromis du Luxembourg, la France pourrait
demander une clause d’exception au nom de son « intérêt vital ».
D’autres part, l’UE elle-même s’est parfois affranchie de ses propres
règles, ce qui créé des précédents exploitables. Au plus fort de la crise
chypriote, l’UE a accepté de rétablir un contrôle sur les mouvements de
capitaux chypriotes et de ponctionner directement les comptes bancaires
chypriotes.
Au pouvoir, le Front de Gauche pourrait également rétablir un contrôle
momentané des capitaux pour en interdire la fuite à l’étranger le temps que les
réformes structurelles soient mises en place, exactement comme ce fut le cas en
Chypre. Et d’une manière plus « douce » que ce fut le cas en Chypre, le Front
de Gauche pourrait imposer un Emprunt Forcé pour remplacer sa dette
actuellement sous le contrôle des marchés par une dette des épargnants français,
la mettant ainsi encore plus à l’abri de la pression des marchés.
Vous l’aurez constaté, il s’agit là de décisions pouvant être prise de
manière unilatérale par la France, en totale contradiction avec l’esprit du
Traité de Lisbonne, mais compatible avec ses failles réglementaires. Ces
décisions permettraient l’application d’une grande partie du programme du Front
de Gauche.
Mais surtout, elle mettrait une pression considérable sur les autres Etats
membres, soumis au marché et à la monnaie unique. Car ces décisions
unilatérales de la France impacterait forcement leurs économies, les obligeants
à venir s’asseoir à la table des négociations pour trouver un véritable
compromis.
Et surtout, cet exemple français serait un signal d’espoir qui donnerait
une force nouvelle aux protestations qui s’élèvent partout ailleurs en Europe.
Il n’y a qu’à voir le niveau élevé de protestation à l’heure actuelle en Grèce
ou en Espagne (je pense aux Indignados, aux récentes manifestations) pour voir
qu’avec l’exemple qu’une autre politique est possible en Europe, la pression
populaire pourrait obliger leurs actuels gouvernements à céder à la pression de
leurs propres population.
Ceci pourrait entraîner un effet domino qui pourrait effectivement permettre
un basculement en Europe. En tout cas, ça vaut le coup d’être tenté avant de
dire que c’est impossible.
Ceci pour dire que « Nous, on peut » transformer la France et la VIème
République dans un sens favorable au peuple, « de gré ou de force, la force de
la loi » comme se plait à le dire Jean-Luc Mélenchon.
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