Le 20 juillet, plus de 30
citoyens turcs pour la plupart membre de la communauté kurde succombaient dans
un attentat attribué à Daech dans la ville de Suruç. En réponse, la Turquie déclarait la
guerre auX terrorismeS, c'est-à-dire simultanément à Daech et au PKK, mettant à
égalité les commanditaires de l’attentat et ses victimes. Quelques semaines
plus tard, la réalité des faits montre que l’immense majorité des attaques se
portent en réalité sur le PKK et non sur Daech. La Turquie est attaquée sur son
sol par Daech et en réponse, la Turquie attaque les Kurdes, c'est-à-dire ceux
qui résistent le mieux et même remportent des victoires contre Daech. Cherchez
l’erreur…
L’erreur, c’est bien sûr que
Daech est l’allié objectif de la Turquie. Et qu’au-delà des paroles de
circonstances, le président Erdogan n’est pas plus attristé que cela de la mort
de certains de ses compatriotes, s’ils
sont socialistes ou kurdes.
Le double-jeu de la Turquie est
dénoncé depuis longtemps. Jusqu’à l’attentat, la Turquie refusait en effet d’autoriser
la coalition emmenée par les USA à utiliser ses bases militaires pour bombarder
Daech. Mais surtout, de nombreux témoignages concordants affirment que les
services secrets turcs soutenaient Daech : services secrets pris « la
main dans le sac » en train de livrer du matériel (des armes ?) à
Daech ; attaques de Daech sur les positions kurdes depuis le sol turc, refus
de l’armée turc de laisser les kurdes de Turquie entrer sur le territoire
syrien pour défendre Kobane…
Les ennemis du président turc, ce
sont en effet d’abord les autonomistes kurdes du PKK et ensuite le gouvernement
dictatorial de Bachar Al-Assad. Pour les autorités turcs, la pire menace n’est
pas l’installation d’un « califat » extrémiste à ses frontières, mais
l’installation d’une zone autonome kurde qui donnerait des espoirs à sa propre
minorité kurde, ou la survie du régime dictatorial de Bachar Al-Assad.
Par ailleurs, le gouvernement
turc fait face à une grave crise politique : Les dernières élections
législatives lui ont fait perdre sa majorité absolue au parlement, tandis que
le HDP, parti de gauche dirigé par un Kurde a fait une percée spectaculaire et inattendue.
Erdogan est contraint à des élections anticipées en novembre. Tenter de
ressouder sa population autour de lui dans une guerre, face à un ennemi
intérieur, délégitimer un parti rival en pleine progression pour son soutien
supposé aux « terroristes » est une stratégie politique vieille comme
le monde.
Alors, selon le principe « l’ennemi
de mon ennemi est mon ami », pour combattre le PKK et Bachar Al-Assad soutient
Daech autant qu’il le peut.
On peut aussi s’interroger sur le
jeu trouble des puissances occidentales, engagées dans la guerre contre Daech.
Les USA bombardent Daech mais tolèrent qu’un membre de l’OTAN soutienne en
sous-main ceux qu’ils bombardent. De même, après avoir soutenu (un peu) les
Kurdes de Kobane face à Daech, ils ne condamnent pas les attaques de la Turquie
contre les Kurdes du PKK.
Dans cette région du monde, sans
être parfait, le peuple Kurde est pourtant l’un des rares motifs d’espoir,
alors que la rébellion syrienne « modérée » semble pratiquement rayée
du jeu politique et militaire. Les Kurdes représentent une force laïque,
démocratique, promouvant l’égalité homme-femme et sur le terrain militaire sont
parmi les rares à enregistrer des succès contre Daech. Ils mériteraient d’être soutenus
à bout de bras. Mais qu’ont-ils donc pour déplaire à ce point à l’occident ?
Ah oui, ils ont le malheur d’être marxiste…
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