vendredi 18 septembre 2015

7 mois de Syriza, qu’en penser aujourd’hui ?


A la veille des élections législatives anticipées en Grèce, l’heure semble être venue de faire un bilan à froid des 7 mois de gouvernement Tsipras sous l’angle des négociations avec l’UE sur l’austérité et la dette, de l’euphorie de la victoire en janvier à la déception de la signature du mémorandum en juillet.

Alexis Tsipras s’est fait élire sur un programme européen similaire à celui du Front de Gauche en France : l’idée qu’on peut « changer l’Europe », par l’instauration d’un rapport de force entre un gouvernement déterminé, ayant une légitimité démocratique. Ce changement devait s’appuyer sur une politique économique crédible, un plan de relance économiquement viable. 

Les longs mois de négociations ont démontré l’échec de cette stratégie. Ils ont démontré d’abord que les dirigeants de l’UE, Allemagne, Commission Européenne, BCE se moquent de la légitimité démocratique d’un gouvernement ; Seul compte son influence économique, ridiculement basse dans le cas de la Grèce.

Ces négociations ont également démontré que ces mêmes dirigeants n’étaient pas mus par une volonté économique, sortir la Grèce et l’UE de la crise, mais par une volonté idéologique : s’assurer qu’il n’y ait pas d’alternative à l’austérité et que toute politique alternative échouerait. Ainsi, tous les plans économiques proposés par la Grèce, même ceux loin de toute radicalité politique et parfaitement viable économiquement ont été balayés d’un revers de main. Le but n’étant pas de sauver les intérêts économiques ni des contribuables grecs, ni même des créanciers européens, mais seulement de faire échouer Syriza, à n’importe quel prix.

La crise du mois de juin a enfin démontré que les dirigeants européens étaient prêt à aller beaucoup plus loin dans le rapport de force que ne l’avaient imaginés les différents dirigeants de la gauche radicale, en Grèce comme en France. On a parlé de « coup d’état financier », le mot est parfaitement justifié quand la BCE a fait fermer les banques grecques pour peser sur le référendum. Oui, les dirigeants européens sont prêts à tout, à ne pas respecter la volonté démocratique d’un peuple, à ne pas respecter les traités européens, à employer la force (financière dans un premier temps) pour faire plier la gauche radicale.

Enfin, que faut-il penser du revirement d’Alexis Tsipras, qui a signé le mémorandum « un pistolet sur la tempe » selon sa propre expression juste après avoir reçu mandat pour s’y opposer par le retentissant OXI grec aux diktats de l’UE ?

Pour ma part, je ne pense pas qu’Alexis Tsipras ait trahit. Je pense qu’il a eu peur d’aller au bout du OXI grec, c'est-à-dire de mettre son pays en cessation de paiement, avec la quasi certitudes qu’une conséquence rapide en serait la sortie de l’UE.

L’exemple de la faillite argentine de 2001 pourrait laisser penser qu’une faillite d’un pays peut être un mal pour un bien. Aujourd’hui, en 2015, l’Argentine a effectivement remonté la pente et semble être sortie par le haut de sa faillite. Mais se contenter de cette analyse serait oublier la tourmente dans laquelle fut alors plonger l’Argentine. 4 gouvernements en 15 jours, de nombreux morts dans les émeutes de ces jours sombres. Mais surtout, combien de morts dans les semaines, les mois qui ont suivi, de faim, de froids, faute de soins ? Combien d’Argentins plongés dans l’indigence la plus extrême, privé de tout ? Qu’un chef d’Etat hésite à plonger son pays dans un tel chaos, on peut le comprendre.

D’autant que l’Argentine avait des cartes en main pour se redresser que n’a pas la Grèce. L’argentine pouvait dévaluer, pouvait faire fonctionner la planche à billet. La Grèce elle n’avait pas la capacité technique de passer à la drachme avant plusieurs mois : il n’y a tout simplement pas d’imprimerie et de fonderie en Grèce capable de battre monnaie. Impossible donc de dévaluer, impossible donc de faire tourner la planche à billet dans un terme envisageable. Et rappelons le, les banques étaient fermés et le gouvernement grec n’avait pas la capacité de les faire rouvrir.

Je ne jetterais donc pas la pierre à Tsipras d’avoir eu peur de plonger son pays dans un tel chaos. Et il vrai que le OXI grec n’était pas un mandat pour cela.

Tsipras est-il pour autant exempt de tout reproche ? Je ne le pense pas. Il a commis une faute, celle de ne pas avoir anticipé le niveau de résistance de ses adversaires. Il a commis l’erreur de ne pas avoir de « Plan B » en cas de refus des dirigeants européens de négocier. A partir du moment où il était impensable pour lui de quitter l’UE, il venait désarmé aux négociations, en position d’infériorité. Ce fut une erreur dramatique.

Mais ce manque d’anticipation, cette erreur n’est pas seulement celle de Tsipras. Elle est celle d’une grande partie de la gauche européenne, du Front de Gauche en France, et j’en prend ma modeste part.
L’heure n’est donc pas aux anathèmes et aux invectives contre Alexis Tsipras. Elle est aux bilans et aux leçons.

Dans l’hypothèse d’une victoire électorale de la gauche radicale en France, un tel gouvernement pourrait-il réussir là où la Grèce à échouée, de par le fait que la France a un poids économique et diplomatique plus fort que la Grèce ? On peut l’espérer. S’en contenter et ne pas préparer de « Plan B » serait par contre d’une incroyable naïveté.

Le niveau d’opposition, le jusqu’au boutisme des dirigeants de l’UE est si élevé qu’il y a lieu de craindre que la France, malgré tout son « poids » économique ne puisse mieux leur faire entendre raison que la Grèce.

Alors oui, il faut maintenant parler de « Plan B ». Un « Plan B » qui ne doit pas exclure la question : si tout échoue, dans quel conditions sommes nous prêt à quitter l’UE ou tout du moins la Zone €uros. Un tel « Plan B » pourrait éventuellement imaginer de refonder une autre zone économique européenne fondée sur des valeurs de solidarité entre les éventuels pays prêt à nous suivre dans cette voie.

Nous ne devons également pas esquiver le débat sur les moyens à nous donner pour le faire. Les dirigeants européens ont démontré tout le mépris qu’ils avaient pour le poids moral d’un mandat démocratique, pour le poids juridique des traités quand ils ne les arrangent pas.

Moi, je repense à Evo Moralès, 1er président indigène de la Bolivie, nationalisant les ressources pétrolières de son pays : il a envoyé les parachutistes sauter sur les champs de pétroles et en prendre possession physiquement et militairement dans le même temps où il publiait le décret les nationalisant unilatéralement et sans contrepartie. Ensuite, et ensuite seulement, il a proposé aux multinationales de revenir à la table des négociations pour voir si un arrangement était possible. Et devinez quoi, quand ce sont les multinationales qui ont le « pistolet sur la tempe » et ce n’était pas qu’une expression dans ce cas précis, les négociations furent très positive pour le peuple bolivien. Oui, un Etat peut tout, à condition qu’il s’en donne les moyens. Ce qu’a fait Evo Morales.


Un exemple dont nous pourrions peut-être nous inspirer face à l’UE. Il n’y a peut-être que ce niveau de détermination qu’ils puissent comprendre.

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