Parmi les 43 propositions du
rapport Spinetta, celles traitants du statut des cheminots ont eu droit aux
honneurs de la presse ; bien qu’elles ne soient pas, et de loin, celles
qui auront le plus d’impact sur les usagers ou sur le fonctionnement de l’entreprise.
Rappelons tout d’abord que le
personnel actuellement au statut n’est pas directement concerné. Seuls les
nouveaux recrutements se feraient en contrat de droit privé classique. Disons
également qu’actuellement, environs 11% du personnel SNCF est déjà en CDI, une
proportion qui augmente rapidement puisque 25% des nouveaux embauchés et même
40% des nouveaux embauchés cadres sont aujourd’hui recrutés en CDI.
Le rapport Spinetta justifie la
fin du recrutement à statut par une distorsion de concurrence entre la SNCF et
les entreprises ferroviaires privées quand l’ouverture à la concurrence sera
effective (à partir de 2019). Pourtant, dans le cas où une entreprise privée
remporterait un appel d’offre, ce même rapport préconise de transférer le
personnel SNCF à cette entreprise privée, en lui conservant le bénéfice du
statut. Il n’y aura donc pas ou peu de distorsion de concurrence puisque les
entreprises privées remportant l’appel d’offres hériteraient donc du personnel
au statut et des « coûts » (voir plus bas) qui vont avec.
Rappelons enfin que le statut n’est
qu’un des règlements organisant les conditions de travail des cheminots. L’accord
d’entreprise sur le temps de travail qui régit les RTT mais surtout le travail
en horaire décalé, de nuit, le week-end et jours fériés ou les déplacements n’est
pas remis en cause par les préconisations du rapport Spinetta et s’applique aux
cheminots sous statuts comme en CDI.
Ceci posé, qu’y a-t-il dans le
statut ? Sans faire une exposé ligne à ligne des 112 pages du document,
voici les principaux points :
1°) Les garanties syndicales.
Le statut de la SNCF garantie l’exercice
des libertés syndicales, et donne effectivement des moyens importants aux
syndicats (notamment en nombre d’heures de détachement et de droit d’accès des
représentants syndicaux aux locaux professionnels) pour exercer leur rôle de
défense des droits des salariés.
2°) La rémunération.
Le statut de la SNCF organise de
manière très règlementé le déroulement de carrière et les augmentations de
salaires, avec plusieurs effets :
1. Les
salaires des agents au statut sont publics, chacun les connaît. En conséquence,
chacun gagne à peu près la même somme au même poste, ce qui tend à réduire les
inégalités femmes-hommes. Les salaires des salariés en CDI sont secrets (et
souvent bien supérieur).
2. Les
syndicats ont un droit de regard et un avis consultatif sur les augmentations
de salaires. Néanmoins, à la SNCF comme partout ailleurs, la hiérarchie peut
parfaitement favoriser et offrir une augmentation de salaire très rapide à ceux
qu’elle souhaite privilégier, ou au contraire bloquer l’avancement de certains.
3. Il
existe des examens professionnels internes à la SNCF permettant de changer de
grade sur la base du mérite.
Le rapport Spinetta accuse ce
système de coûter cher à l’entreprise, avec une augmentation de la masse
salariale d’environ 2% par ans, contre 1,5% par an dans le privé. Le rapport
Spinetta ne dit pas tout, car il ne précise pas que les salaires à la SNCF sont
en général moindres que dans le privé. On peut s’en apercevoir de deux façons :
1.
A poste égal, les salariés en CDI sont embauchés
à la SNCF avec 15 % de salaire supplémentaire par rapport aux agents au statut,
2.
Les agents SNCF démissionnant pour être embauché
dans le privé le sont fréquemment avec au moins 30% d’augmentation de salaire.
3°) La garantie de l’emploi
Le statut de la SNCF garantie la
sécurité de l’emploi, c’est-à-dire interdit le licenciement pour motif
économique. Mais le licenciement pour faute professionnelle existe bien ;
ce qui arrive d’ailleurs régulièrement et porte le surnom de « tapis vert »
au sein de l’entreprise.
Cet avantage important est compensé par une période d’essai
beaucoup plus longue que dans le privé, un an pour les agents d’exécution et
maîtrise, deux ans et demie pour les cadres.
4°) Changement de
résidence
Corolaire de la garantie de l’emploie,
le statut de la SNCF prévoit la possibilité de changement de résidence « pour
nécessité de service ». Si un poste est supprimé, après une procédure de
concertation, l’entreprise peut imposer à l’agent un autre poste sans limite
géographique.
5°) Sanctions disciplinaires,
Le statut prévoit un régime de
sanctions disciplinaires, allant de la mise à pied au licenciement en passant
par la rétrogradation (baisse de salaire).
6°) Congés,
Le statut SNCF prévoit un jour de
congé supplémentaire par rapport au code du travail. Il prévoit également que
les 2 jours de fractionnement autorisés par le code du travail soient attribués
de manière automatique, que les conditions pour les obtenir soient remplies ou
non (moins de 24 jours consécutifs de congés pris entre le 1er mai
et le 31 octobre). Le statut de la SNCF prévoit également un certain nombre de
congés pour évènement familiaux (mariage, naissance, décès). Les congés sont
acquis en totalité au 1er janvier de l’année, comme dans la fonction
publique.
Il est à noter que les RTT ne
font pas partie du statut de la SNCF mais de l’accord sur le temps de travail,
et sont une stricte application du code du travail. Les agents SNCF n’ont donc
qu’un jour de congé supplémentaire par rapport au minimum légal. Il est
également à noter que ces dispositions inscrites au statut s’appliquent
également au personnel en CDI.
7°) Régime spécial d’assurance maladie,
Les agents SNCF bénéficient d’un
régime spécial d’assurance maladie. Concrètement, ils ne cotisent pas à la
sécurité sociale, mais à la « caisse de prévoyance » de la SNCF. La
caisse de prévoyance a un taux de remboursement supérieur à la sécurité sociale,
mais le taux de cotisation des agents SNCF est également supérieur. En
conséquence, les mutuelles SNCF ne sont pas prises en charge par l’employeur.
Il n’y a donc pas de différence notable entre un agent SNCF au statut bénéficiant
d’une mutuelle entièrement à sa charge, et un salarié d’une entreprise privée
bénéficiant d’une mutuelle partiellement prise en charge par l’employeur. Le
jour de carence a aussi été mis en place à la SNCF récemment.
Cependant, les agents SNCF au
statut bénéficie d’un accès à un réseau de médecins généralistes et spécialistes
employés par la SNCF. Les agents SNCF n’ont pas à faire l’avance de frais et
les attentes pour les spécialistes sont moins longues. La SNCF a néanmoins une
autorité hiérarchique sur les médecins, qu’on peut donc difficilement
soupçonner de délivrer des arrêts maladies de complaisance par exemple.
8°) Le régime spécial de retraite
Les agents SNCF bénéficient d’un
régime spécial de retraite, qui a cependant beaucoup évolué avec les réformes
de 2005 et 2007. Concrètement, pour bénéficier d’une retraite à taux plein, les
agents SNCF doivent avoir cotisé 43 ans, exactement comme dans le privé.
Le personnel SNCF peut partir à
la retraite de manière anticipé et donc à taux réduit à partir de 52 ans pour
le personnel roulant et 57 ans pour le personnel sédentaire. Dans les faits, la
réforme se met progressivement en place et on constate que les agents reculent
progressivement leur âge de départ à la retraite au-delà des 52 ou 57 ans pour
bénéficier d’une retraite à taux plein.
Le taux de pension est calculé
sur les 6 derniers mois et non sur les 25 meilleures années. Cet avantage vient
partiellement compenser les salaires plus faibles à la SNCF que dans le privé.
Le taux de cotisation des agents SNCF est également supérieur à celui du privé.
En conclusion
Le statut de cheminot offre des garanties, prévue à l'origine pour fidéliser et pérenniser le personnel, y compris avec un salaire inférieur au privé. Il comprend aussi des contreparties aux avantages qu'il offre.
Mais même s'il est appréciable, il n'y a rien de disproportionnellement avantageux dans ce statut qui le rende manifestement inéquitable par rapport aux salariés du privés.
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